poèmes ferroviaires
Poèmes ferroviaires
PGV
Patrick Joquel
www.patrick-joquel.com
automne 2024
Début de voyage
Attendre à l’ombre la voix
Annonçant le train
Début des voyages
Même quai et mêmes rails
Silence et attente
*
Paris à l’aurore
je marche
dans le silence de la marche
en état de grâce
mes yeux portent jusqu’au bout de la rue
ils grimpent le long des façades
cherchent les secrets de la cité
par exemple
haie de bambou en terrasse
je marche
je sens que je suis vivant
je marche
je pense à la mort
la mienne en particulier
je ne m’arrête pas à ce mot
je marche
immobile ou en marche
ele saura me souffler
sans jouer
alors autant marcher
qu’elle patiente après tout
il me reste à voir
l’autre côté de la rue
l’autre versant du col
j’arrive à la gare
*
Gare de Lyon, Paris.
24 mars 2018/7h am.
ils vont
téléphone en main
regards scotchés
sur le social réseau géant
oreillettes sourdes
le pianiste
en libre service musical
ne les entend pas
il joue
téléportation pixellisée
via satellite
encore en attente
de mise au point
alors à là fin du morceau
je donne un coup d’œil
au panneau des départs
Tgv pour Nice à l’heure
on time
tout est OK
*
machine à café
double expresso en grains
non sucré
carte bancaire sans contact
*
observation d’humains captés
*
des skieurs rêvent
d’un magique forfait
qui transformerait le TGV
en téléphérique direct
pour le haut des pistes
*
des panneaux
haïkus signés Zenu Biano
accostent le long du couloir
les rares curieux déconnectés
*
piles de journaux
prêts à prendre le Relay
de l’information tactile
en cas de crampe à l’index
*
et enfin un barista
sourire ivoire
m’offre
les premiers mots du jour :
- Café croissant et verre d’eau, voici Monsieur. Bonne journée.
difficile de commencer
moins bien le voyage
Croissant d’or
pour ce jeune barista
*
devant dieu panneau
mon café en main d’offrande
je cherche la voie
qui me coupera la tête
si je la trouve ce matin ?
*
« Bienvenue À bord du tgv 6 161 en direction de Nice. Il desservira les gares d’Avignon, Toulon, les Arcs Draguignan, Cannes, Antibes et Nice. Attention au départ ! »
*
dans cet entre-deux
qu’est le voyage
je médite une fois de plus
sur le jouer sa vie
et
le vivre un jour comme un jeu
- Tu joues avec moi ?
demande l’insatiable enfant
sous mon ombre
rien n’est plus sérieux que le jeu
*
Reggae aux oreilles
Somnolence TGV
L’esprit hors des rails
*
16 mai 2 018 antho le temps file cognac
Gare de Lyon à l’aube
la main droite au café
la gauche à la valise à roulettes
la troisième au billet
la suivante au journal
et la dernière au téléphone
encore une au croissant
et toujours la main droite
au café
la laisse pixellisée
me conduit à la borne de contrôle
bip
quai voiture 13 siège 61
« Mesdames et messieurs
bienvenus à bord de ce poème.
Sa rédaction durera le temps nécessaire.
Attention au départ »
*
ce poème est arrêté en pleine voix
pour votre sécurité
ne tentez pas d’ôter vos écouteurs
le silence du solitaire
le silence est indépendant du lieu
que je sois seul
à bord d’un sentier de crête
ou bien voiture 13 siège 61
le silence est identique
et c’est ainsi
que naît parfois le poème
*
retour en arrière
de l’hôtel à la gare de Lyon
je marche dans les rues de Paris depuis l’aube
et parmi les déchets festifs
des quais de Seine
parmi les moineaux
et autres pigeons ripailleurs
l’artificiel intelligent sait
que je suis vivant
les bornes téléphones
en témoignent
le distributeur bancaire m’informe
• Je suis un automate multi fonction choisissez votre opération tapez votre code
service aucune erreur
avant de sortir
j’ai enfilé mon sourire automatique
je ne sais pas quand ni où
les caméras m’enregistrent
*
16 mai Paris-Cannes
TGV morning
vivre une autre dimension
du temps de l’espace
*
2 décembre 21
TGV Cannes-Paris
décembre froid
280km/H
sieste
somnolence à grande vitesse
soleil dans les yeux
souvenir d’école :
8 minutes-lumière
pour qu’il touche mes paupières
à quelques secondes près
minuscule corps
quelques dizaines de kg
obsolescence programmée
sans garantie
comment se croire important
?
juste quelques étincelles
un corps
un train à grande vitesse
et le soleil indifférent
*
Ligne 14
automatique
des dizaines d’individus
toutes origines
toutes identités
mesclun humain sauce hivernale
tous masqués
des dizaines de regards
la plupart écranisés
pas tous
l’exception confirme la règle
ou l’inverse
la règle confirme l’exception
des histoires personnelles
chacun dans son premier rôle
palme ou césar en destin
chacun
son aventure génétique
chacun unique
chacun présent en son point d’évolution
espace E
instant T
soit la formule E/T
et moi et moi et moi
chacun « se croit »
« se prend au sérieux »
si si même toi qui te la joue dérisoire et amusé
ne le nie pas
tu te crois un peu plus
qu’un peu de sable
la plage approuve la présence du sable
et l’écume de la mer
le lisse à neuf
mille éclats sous le soleil
fragments de présents
et moi et moi et moi
bientôt éparpillé au vent
NB
je considère que notre hélice humaine a loupé
l’embranchement poulpe
régénérescence automatique
bras multiples
camouflage couleur
ainsi que l’embranchement pélican
poche ventrale incorporée au menton
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